Le régiment était pour une fois en repos. Un soir le vaguemestre nous a fait savoir que le lendemain matin on retournerait
au front.
J’ai dit au vaguemestre que je refuse d’y retourner. Il m’a dit : « Je crois que vous êtes devenu fou,
vous ne savez donc pas ce qui vous attend ; désobéissance devant l’ennemi, c’est puni par la mort » .
J’ai répondu : Je le sais, mais je fais appel au Kaiser. Je lui ai montré le livret militaire dans lequel
est marqué : « Le Kaiser ne connaît pas de partis, tous ont les mêmes devoirs et les mêmes droits. »
Les devoirs je les remplis, mais où sont mes droits ? Tous mes camarades de la batterie étaient déjà en permission
tandis que moi, parce que je suis alsacien, on me le refuse. Donc, tant que je n’aurai pas de permission je n’irai plus
au front.
« Allez chez le capitaine », m’a-t-il dit. J’ai donc expliqué au capitaine la raison de mon refus d’aller au front.
Il m’a écouté tranquillement et à la fin il m’a tapé sur l’épaule en me disant : « Sous-officier Kuentz, je vous
conseille, retournez au front, je ferai mon possible pour vous obtenir une permission. »
J’ai donc suivi ses conseils et peu après j’ai eu ma permission.
A mon retour, j’ai appris que le régiment avait subi des pertes en hommes et en matériel.
Heureusement que le capitaine était un homme qui avait de la compréhension.